Celle chez qui le VIH avait été découvert fortuitement.

samedi 26 mai 2012

Une salle de consultation, je ne me rappelle plus laquelle, 6ème année.
Ce souvenir là est plutôt un flash.

La patiente suivante va entrer et je me penche sur le dernier courrier pour la connaitre un peu mieux et savoir ce qui l’amène. Le médecin qui est mon responsable à côté me laisse faire, le temps de cliquer sur son ordinateur.

Soudain, tout en haut dans les antécédents, je vois cette phrase d'infectiologue.
Cette phrase toute simple : "Nous rappelons qu'il s'agit d'une patiente de X ans chez qui la séropositivité VIH a été découverte fortuitement".
Je fronce un sourcil et vais interroger le médecin lorsqu'elle entre.

La trentaine, propre sur elle, un visage rond et souriant. Elle s'installe pour discuter de son motif de consultation de suivi n'ayant rien à voir avec ses sérologies aléatoires.
J'essaie de me la représenter, dans des années, lorsque les choses iront peut-être moins bien.
La consultation se termine, elle ressort.
Je n'ai rien suivi de ce qui s'est passé.
Je suis restée prostrée à tourner en boucle sur ces deux mots "découverte fortuitement".
Comment est-ce seulement possible ? Comment peut-on tourner une phrase de la sorte ?
Il m'arrive de tomber sur des amis fortuitement dans la rue. De décider fortuitement de ce que je vais manger à midi.
De manière fortuite. Par hasard. En tombant dessus, comme ça.
Et j'ai beau me le passer et repasser en boucle dans le crâne, si un jour mon médecin traitant m'annonce que l'on a découvert chez moi, fortuitement, le VIH,  l'hépatite C, la syphilis ou, je ne sais pas moi, une grossesse par exemple, eh bien je ne suis pas bien certaine de ce qui pourrait, fortuitement, traverser le bureau pour lui tomber dessus.

Je ne sais rien de cette patiente, de son parcours, de son opinion ni de ce qui l'a ammenée à cette sérologie, j'en ai bien conscience. Et je suis d'ordinaire l'une des premières a essayer de dédramatiser les choses.
Cependant, cette phrase m'a choquée. Et je crois bien que, quoi que je fasse, je la trouverais toujours spécialement dérangeante.
Jusqu'à ce que je mette le doigt dessus, méfiez vous de ce qui pourrait, fortuitement bien sûr, vous tomber dessus suite à la lecture de cette note.

Celui à qui un champignon avait sauvé la vie.

dimanche 20 mai 2012

Été en chirurgie digestive. Bloc opératoire.

J'assiste à une opération de sigmoïdite. Une inflammation compliquée du gros intestin que l'on nomme colon.
Un patient se trouve là, quelque part sous les champs opératoires.

Je ne l'ai jamais vu, il est arrivé en urgence. Je ne verrais jamais son visage, il ne fait pas partie de mon secteur.

A mon habitude, je tiens les outils pour écarter les tissus et le petit appareil pour aspirer. Je suis assez efficiente à cela, aspirer. C'est tranquille, méticuleux et cela ne demande pas de réfléchir outre mesure. La principale difficulté étant de ne pas marcher sur les plates bandes de l'interne ou du chirurgien, je peux d'ordinaire m'en sortir sans trop de dommages.

Ce patient est une forme de petite énigme. L'imagerie nous dit qu'il souffre bel et bien d'une perforation digestive et qu'il commençait à faire une péritonite, soit une inflammation de toute la cavité abdominale, mais la clinique nous dit que c'est relativement supportable.

Quelques minutes et une ouverture allant du sternum au nombril plus tard, nous voici en vue du morceau de boyaux fauteur de troubles.
"- C'est..."
"- Vous pensez que... Ça à l'air... Je crois..."
"- Infirmière, mon iphone !"


Le chirurgien est tout sourire sous son masque et nous nous regardons à moitié hilares.
Il coupe le morceau incriminé et le pose sur les champs opératoires bleus pour pouvoir l'examiner.
Là, formant ce que l'on appelle une "sigmoïdite perforée-bouchée" se trouve un...Champignon. Un vrai, parisien, tout entier, avec son pied et son petit chapeau. Coupé en deux dans le sens de la longueur, il obstrue le trou, empêchant le contenu intestinal de se déverser là où il ne devrait pas.

Depuis ce jour, je ne regarde plus les champignons de la même façon.
D'une, je connais le secret des mycètes : le fait que nous ne les digérons absolument pas.
Et de deux, ils me rappellent que, parfois, il suffit simplement d'être la bonne personne au bon endroit pour faire la différence, et peu importe, au fond, ce qui nous a mené là.