Celle qui était préoccupée par sa douleur dentaire à 4 heures du matin.

samedi 1 septembre 2012

Urgences - Soins courts - N'importe quel hôpital.
N'importe qu'elle année.


"- Bonsoir !
Heu, bonjour !
Heu, bonne nuit !

Enfin, excusez-moi, que puis-je faire pour vous ?"
"- Bonsoir. Je viens parce que j'ai cette douleur dentaire horrible, là."
"- Là ?"
"- Là."
"- Depuis... ?"
"- Depuis hier soir. Le problème c'est que c'était samedi et qu'aucun dentiste n'a voulu me prendre.
Alors j'ai pris des antalgiques.
Et, ben, ça ne marche pas, j'ai mal. Alors je suis venue."
"- Mm."
"- Mm ?"
"- Mm.
Hé bien, nous allons vous donner des antalgiques.
Et puis, comme c'est dimanche, enfin, lundi, et qu'il est quatre heures du matin, hé bien, vous ne trouverez pas de dentiste qui puisse traiter cette dent. Même ici, au CHU.
Parceque, vous voyez, je ne suis pas apprentie dentiste.
Lui là-bas, mon PH, je veux dire, mon supérieur, non plus, il n'est pas dentiste.
En fait, le problème, c'est que l'hôpital et les urgences sont malheureusement remplis de médecins mais pas de dentistes."
"- Et donc, pour ma dent ?"
"- Et donc, pour votre dent, voici votre ordonnance.
Je vous souhaite bonne chance pour la suite. Pour le dentiste.
Normalement, il y en a un tas d'ouverts, le lundi, des dentistes.
Est-ce que j'ai dit trop souvent "dentiste" ? Quelle heure est-il, déjà ?"
"- Quatre heures.
Au revoir, Docteur."

"- C'est que, je suis externe moi. Seulement externe. C'est avant l'interne, alors c'est pas bien important. Mais c'est moi qui suis tatillonne.
Madame ? Ouhou ?"

Parce que je crois que La Douleur Dentaire éthérée du milieu de la nuit, nous la connaissons tous.

Tel un fantôme écossais ne trouvant jamais le repos, elle se déplace de CHU en CHU, d'hôpital en hôpital, de pays en pays.
Elle sévit préférentiellement après le coucher du soleil et favorise les dernières heures avant l'aube. Ces mêmes longues heures où les sens sont exacerbés et la fatigue omniprésente sous la blouse blanche froissée.

Cette Douleur, personne n'a jamais pu y trouver de remède.

La légende raconte que cela durera jusqu'à ce qu'un dentiste soit de garde sur place et disponible en permanence tel un vaillant chirurgien orthopédiste.

En attendant, nous, pauvres membres du corps médical, sommes condamnés à les rencontrer, impuissants, errant dans les services d'Urgence au beau milieu de la nuit. Et ce avec pour seules armes notre patience labile et nos précaires paliers OMS.

Grands Prêtres de l'ARS, pitié, entendez notre humble prière.